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Téguia Bogni est Chargé de recherche au Centre Nation d’Éducation, Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation propose des pistes de thérapie pour mettre fin à cette pandémie au Cameroun.

Plusieurs tests cliniques pour éradiquer le COVID-19 ont cours en ce moment dans le monde. Autour de deux axes de recherche que sont le vaccin et le médicament, jamais les épidémiologistes et les infectiologues du monde n’auront été mis à rude épreuve ces dernières décennies. Aux quatre coins du globe, en effet, des équipes de chercheurs travaillent en collaboration pour trouver, le plus tôt possible, des solutions médicales afin de stopper cette pandémie qui fait de plus en plus de morts. Pour s’en faire une idée, les États-Unis comptabilisent, à eux seuls, 1514 décès pour la seule journée du 12 avril tandis qu’au Cameroun, on totalise, au même moment, 14 victimes. Et le bilan mondial fait état d’au moins 114 539 morts depuis l’apparition de la pandémie en décembre dernier. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le monde est dans une grande inquiétude.

La première piste envisagée pour mettre fin au COVID-19 est celle du vaccin BCG, pour son action préventive, sur les personnes saines, en l’occurrence. Initialement conçu pour prévenir la tuberculose, le BCG, en raison de sa capacité à induire l’« immunité innée entraînée », peut produire un effet contre les infections respiratoires qui sont, comme nous le savons désormais, un des symptômes les plus graves du COVID-19, pouvant conduire à la réanimation, voire à la mort. C’est donc, entre autres, cet effet bénéfique pour lutter contre les maladies respiratoires qui est recherché. Pourtant, une récente étude, des Professeurs Liu WENZHONG et Li HUALAN, révèle que le corona virus s’attaque plutôt au système sanguin. Ainsi, c’est la fonctionnalité des globules rouges qui seraient mis à mal au cours du transport de l’oxygène, ce qui bloquerait alors le métabolisme de Heme.

Bien qu’étant en cours d’expérimentation en Europe et en Australie selon l’Inserm, le BCG est au cœur d’une grande controverse depuis le 1er avril dernier. Ce jour-là, deux chercheurs, discutant de la possibilité d’essais cliniques du BCG pour prévenir le COVID-19 sur la chaîne d’information française LCI, ont tenu des propos pour le moins désobligeants. D’une part, on peut y entendre Jean-Paul MIRA, chef service de réanimation à l’hôpital de Cochin, dire : « Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique où il n’y a pas de masque, pas de traitement, pas de réanimation ? Un peu comme c’est fait d’ailleurs pour certaines études dans le sida où chez les prostituées, on essaie des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées et elles ne se protègent pas... » Et d’autre part, on peut suivre Camille LOCHT, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), affirmer : « Vous avez raison ; et d’ailleurs, nous sommes en train de réfléchir en parallèle à une recherche en Afrique justement pour faire ce même type d’approche avec le BCG ». Cet échange teinté à la fois de cynisme et de racisme a créé un tollé sur le continent africain, et plus particulièrement sur les réseaux sociaux, au point que les footballeurs Samuel ETO’O et Didier DROGBA ont dû faire des sorties pour condamner ces propos. Ce dérapage n’a pas manqué, non plus, de faire sortir de sa réserve le directeur général de l’OMS pour qui de tels « propos racistes » sont simplement inacceptables, quand bien même les deux chercheurs et l’Inserm se sont excusés. Ce n’est pas tant les essais vaccinaux qui font problème, mais c’est davantage le manque d’éthique et d’humanisme qui soutient une telle approche, laquelle est en contradiction avec la Déclaration d’Helsinki et le Code de Nuremberg – deux textes qui régissent les essais cliniques.  Ainsi, la République Démocratique du Congo a dû se désister sur de possibles essais de vaccin qu’elle comptait faire sur son territoire, à la suite d’une polémique née des propos du Docteur Jean-Jacques MUYEMBE. En tout état de cause, l’option vaccin, relativement au COVID-19, est de moins en moins envisageable dans plusieurs pays africains.

Les chercheurs s’attèlent également à trouver des médicaments à même de traiter les patients coropositifs au moyen de diverses approches thérapeutiques. Celles-ci peuvent contenir de la chloroquine, une molécule qui soigne le paludisme. Pourtant, l’utilisation de cette molécule suscite moult débats entre scientifiques. D’une part, on a le Professeur Didier RAOULT qui affirme que celle-ci est efficace et, d’autre part, on a certains chercheurs qui affirment le contraire. Quoi qu’il en soit, des essais cliniques sont en cours d’exécution pour savoir si oui ou non la chloroquine peut soigner les patients du COVID-19.  

Parmi ces essais, on peut citer l’essai Discovery en Europe qui inclut 3200 patients européens dont 800 français, avec l’usage de l’hydroxychloroquine, du remdesivir, du lopinavir associé au ritonavir et du lopinavir associé au ritonavir plus de l’interféron beta. Ces quatre méthodes, dont les trois dernières sont antivirales, visent à identifier le plus grand nombre d’équations curatives possible. En Afrique cette fois, plus particulièrement au Burkina Faso, un autre essai clinique baptisé Chloraz tente de prouver l’efficacité de la chloroquine d’une part, et, d’autre part, de la chloroquine associée à l’azithromycine sur 30 patients. Cette méthode de test clinique rapide est appelée repositionnement.

Le repositionnement, dans cas d’espèce, consiste en l’utilisation d’un médicament qui traite efficacement une autre maladie afin de voir s’il peut également traiter le COVID-19. Cette approche a ceci de particulier qu’elle est peu contraignante et peu chronophage qu’un médicament nouveau, dont la mise sur pied peut prendre plusieurs années.

Est-il possible qu’une telle initiative prenne corps au Cameroun ? Très certainement. La chloroquine est, pour l’heure, la meilleure piste de traitement qui s’offre à l’Afrique si, du moins, l’on suit la logique du Professeur Didier RAOULT qui pense qu’en plus de « l’écosystème africain », « la prise de beaucoup d’antipaludéens » serait efficace pour lutter contre le coronavirus.

Le Chef de l’État vient de marquer son accord pour la fabrication de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine, de l’acquisition des tests pour le dépistage massif et pour finir la fabrication des masques de protection et des gels hydroalcooliques. Une fois ces médicaments fabriqués, il est fort possible que le Cameroun procède, lui aussi, à des essais cliniques. Le Ministère de Recherche Scientifique et de l’Innovation, à travers l’Institut de Recherches Médicales et d’Études des Plantes Médicinales (IMPM), est chargé de la production de ces médicaments. Pour ce qui concerne la fabrication des masques de protection et des gels hydroalcooliques, cette mission revient au Centre National de Développement des Technologiques (CNDT), toujours supervisé par le Ministère de Recherche Scientifique et de l’Innovation. Toutes ces actions devraient être coordonnées par le Ministère de la Santé à travers le Laboratoire National de Contrôle de Qualité des Médicaments et d’Expertise (LANACOME) a qui reviendra la lourde tâche de s’assurer de la conformité des produits. En plus de la piste sérieuse de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine, une autre piste, qui tire sa source du temps de la grippe espagnole, aurait intérêt à être explorée.

Considéré comme le premier roman camerounais, qui plus est écrit en langue boulou, Nnanga kon est l’œuvre de Jean-Louis NJEMBA MEDOU, publiée en 1932 et traduite par Jacques FAME NDONGO en 1989. On peut en savoir davantage sur de la grippe espagnole au Cameroun, laquelle a fait entre 20 et 50 millions de morts à travers le monde. On y apprend deux informations capitales. D’une part, le confinement avait, à cette époque déjà, fait ses preuves dans le ralentissement de la propagation de la grippe espagnole. D’autre part, les peuples beti auraient trouvé un remède pour venir à bout de cette meurtrière maladie. Ledit remède n’était rien d’autre qu’une décoction à base d’ambomendjang (piper ssp.) et d’ésong alen (cœur du palmier à huile).

En cette période de crise sanitaire grave, la piste de la phytothérapie dans les pays africains est plus que jamais à l’ordre du jour. Des essais cliniques appliqués avec des remèdes traditionnels auraient le mérite de mettre en valeur les savoirs et savoir-faire endogènes.

Téguia Bogni est Chargé de recherche au Centre Nation d’Éducation, Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation

Texte paru dans Mutations n° 5079, du jeudi 16 avril 2020

L'auteur
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A propos
TÉGUIA BOGNI, Chargé de recherche au Centre National d’Éducation, ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation.